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Notre corpus d’étude intitulé « qu’attendent les singes » est un roman de
316 pages et 39 séquences édité dans poket édition Julliard, Paris, 2014, avec
en épigraphe une citation de Franz Fanon : « chaque génération doit dans une
relative opacité découvrir sa mission, la remplir ou la trahir »
Le roman Qu'attendent les singes s’ouvre sur la découverte d’un cadavre d’une
jeune étudiante avec un sein arraché, dans une forêt près d’Alger, à Bainem.
L’enquête sur cet assassinat est confiée au commissaire Nora Bilal, une femme
intègre, qui sera confrontée durant ses investigations aux hommes de l’ombre
qui tiennent les reines et qui se cachent derrière le bouclier de « la légitimité
historique ». Nora sera assassinée et l’enquête,poursuivi par son collaborateur
zin, aboutit sur un drame tragique; le despote, Hamerlaine, l’auteur de
plusieurs crimes, a violé et assassiné sa petite fille dont il ignore l’existence.
A travers nos lectures attentives de « Qu’attendent les singes » de Yasmina
Khadra, nous sommes parvenus à poser la problématique suivante :
Dans le roman de Yasmina Khadra les espaces sont diversifiés ; nous avons
aussi bien des espaces fermés que clos ; la rue, la fenêtre, la foret de Bainem,
les appartements, l’université de Benaknoun, la ville d’Alger. Ces espaces
géographiques authentiques qui existent réellement dans la réalité ne sont
point cités arbitrairement dans l’unique objectif de créer le vraisemblable et
attribuer à la fiction le reflet du réel. Ces espaces sont plutôt représentatifs
d’autres dimensions personnelles, collectives, psychologique, politique, sociale
et culturel. Ils sont d’une part, tel que l’a expliqué l’américain YI-Fu Tuan, une
aire de liberté ou la mobilité s’exprime et d’autre part, ces espaces sont
humanisés et représentent des valeurs établis.
Donc, vu l’importance de l’apport fructueux de l’espace dans l’œuvre
romanesque, nous avons appliqué une approche géocritique au roman «
qu’attendent les singes » de Yasmina .
Par le biais de cette approche qui envisagera l’espace dans sa triple dimension
matérielle, symbolique et fonctionnelle, nous avons découvert l’univers
politico-socio-culturel dans lequel est inséré la fiction et dévoilé des aspects
cachés de la réalité laissée intentionnellement dans l’ombre.
De prime abord, notre travail a consisté à faire un état des lieux à travers une
topographie de la ville d’Alger et une grille sémio-spatiale où il est question de
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répertorier les espaces ou se sont déroulées toutes les scènes et mettre en
exergue éventuellement la description spatiale mise en œuvre par l’auteur
(L’étiquette, valeur spatiale, type de discours et type d’espace).
En outre, puisque l’utilisation de l’espace romanesque dépasse de beaucoup la
simple indication d’un lieu, il est impératif d’être attentif, pareillement à
l’auteur, aux rapports qui existent entre les personnages que celui-ci crée et
l’univers romanesque afin de dégager les aspects personnelles, psychologiques,
sociales, politiques et culturelles.
Pour terminer, une étude du cadre spatio-temporel a été effectuée par le biais
de la spatialité mémorielle pour voir comment temps, espace et discours
interagissent et ouvrent le débat sur la thésaurisation et le stockage.
Ces trois volets ont permis d’ancrer le roman dans son contexte socio-politicoculturel et découvrir ses coulisses pour une meilleure interprétation de l’œuvre
et du mystère du titre (laissé en suspens au début « qu’attendent les singes… »
et achevé vers la fin de la fiction « pour devenir des hommes »).
En quoi consiste donc l’approche géocritique ? La théorie de Bertrand Westphal
conjugue les études littéraires à la géographie, aux études urbaines, à
l’architecture, à la philosophie et à la sociologie. Substituant une approche
géocentrée à une approche égocentrée, la géocritique ne gravite pas autour
d’un auteur ou d’une époque historique mais se concentre sur un espace
spécifique que ce soit une région, une ville, un pays, etc.
La démarche géocritique se veut à la fois synchronique, diachronique,
thématologique et imagologique. Ses principes de multi focalisation, de poly
sensorialité (visuel, sonore, olfactif) et sa vision stratigraphique (verticale,
strates temporelles) ont pour objectif de diversifier les perspectives, de
contrebalancer les subjectivités (les stéréotypes) et de révéler le caractère
dynamique de la représentation spatiale en littérature. De la sorte seront
produites des connaissances plus inclusives et générales sur le lien entre le
monde qui nous entoure et celui de nos fantasmes (Prieto 2011 : 25)
L’ecrivain Yasmina Khadra dans le corpus de mon étude « qu’attendent les
singes… » participe à la transcription d’un réel décevant du vécu algérien
pendant l’ère postcoloniale.
Au fil de ce travail, L’approche géocritique nous a révélé la diversité et la
complexité de l’espace algérien. Ces représentations s’inscrivent dans des
contextes socio-politiques donnés explicitement et par allusion à travers la
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trajectoire Historique du pays. La déterritorialisation et reterritorialisation des
espaces, la polarisation des espaces, etc. Contribuent en permanence à ancrer
des constructions mentales de désenchantement.
Les macro-espaces sont nommés tels que la ville d’Alger, Cheraga, Hydra,
Fouka, la foret de Bainem les micro-espaces renvoient à des personnes
(résidence de Hadj Hamerlain, la villa de Ed-Dayem…, la bicoque de Sid) ou à
des groupes humains (les HLM ou habitent l’inspecteur Zin, la commissaire
Nora, la cité des rosiers). Ils sont porteurs de significations historiques,
économiques, politiques et sociales.
Plusieurs idées fortes émergent de mon analyse, comme l’interaction
constante entre discours, imaginaire et action concrète et l’historique des
représentations de l’espace. Ainsi, le roman traduit, dans son traitement
particulier de l’espace, des crises qui sont autant politiques, sociologiques que
historiques.
Un premier fil conducteur , à travers l’analyse des signes, la multi-focalisation,
la description endogène et exogène, la description poétique, la description
poly-sensorielle, fait apparaître souvent que les enjeux liés à l’espace se
manifestent particulièrement en période de désordre et de conflit…L’espace
livresque finit par se projeter dans le monde réel à traduire la psychologie des
protagonistes, à refléter les états d’âmes des individus, leurs tendances
dictatoriales ou leurs sentiments d’impuissance vis-à-vis d’une actualité qui
domine. Il véhicule ainsi l’image d’un présent apocalyptique d’un pays en proie
de la corruption. Par ce constat alarmiste, il a fait alimenter systématiquement
les peurs et les angoisses d’un avenir qui est par nature incertain.
Via cette recherche, une nouvelle réflexion est portée sur la spatio-temporalité
des fictions de l’auteur par rapport à leurs référents réels maintenus par la
géographie et l’Histoire. Par allusion, l’espace romanesque révèle des vérités
historiques qui s’associent à la composante : l’actualité. Le roman atteste ainsi
de la présence coloniale en Algérie depuis l’invasion phénicienne au
colonialisme français.
L’affirmation de restitution de l’Histoire générale de l’Algérie coloniale et poste
coloniale, veut que ce roman soit à la fois un roman-journal et un romantestament. Les deux conjugués, transmettent d’une part, le sentiment d’un
espace, inscrit dans un contexte algérien, non modifié en profondeur depuis
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l’ère coloniale ; ils renforcent d’autre part, l’idée d’homogénéité de l’espacetemps selon laquelle l’Algérie était et reste un territoire de crise et de terreur.
La lecture des espaces matériels et immatériels, des espaces concrets et
virtuels en mouvement qui représentent l’Algérie sont l’expression, aux guerres
qui la rongent, à la dictature et à la corruption qui gangrènent la vie sur son sol.
Ces réflexions géocritiques m’amènent à déduire que la lecture entre le monde
abstrait, inventé par Yasmina Khadra et son image réfléchie dans le concret,
cerne une réalité du vécu algérien tant dénoncé par les écrivains. |
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